Eurêka, ou la couronne d’or du tyran Hiéron II de Syracuse
Marcus
Vitruvius Pollio, architecte du Ier siècle avant notre ère (né
plus de cent vingt ans après la mort d’Archimède) rapporte cette
célèbre histoire.
Hiéron II, tyran de Syracuse, a fourni une quantité d’or à un orfèvre pour lui réaliser une couronne d’or massif.
Mais
voilà, Hiéron est d’un naturel plutôt méfiant et se dit qu’il est bien
possible que l’orfèvre ait essayé de la lui faire à l’envers, en se
contentant simplement de couvrir d’or une couronne d’un autre métal,
par exemple de l’argent, bien moins cher, et de garder le reste de l’or
pour sa fortune personnelle.
Mais comment s’en assurer ?
Il ne souhaite ni briser ni fondre sa couronne pour vérifier qu’elle ne
contient bien que de l’or. Il demande alors à son ami Archimède de
résoudre ce problème et de confirmer si oui ou non sa couronne n’est
faite que d’or, sans l’abîmer.
S’il s’avère que l’orfèvre s’est joué de lui, il lui en coûtera
certainement la vie.
S’il
va de soi qu’Archimède ne met pas sa vie en jeu sur cette question, il
reste toujours de bon ton de satisfaire son tyran quand on veut pouvoir
continuer d’exercer sa science tranquillement.
La solution
vient rapidement, mais c’est sa mise en œuvre qui pose problème ; en
effet, Archimède sait que s’il peut mesurer la masse volumique de la
couronne, il saura rapidement si celle-ci est la même que la masse
volumique de l’or pur.
Il commence par tenter de
géométriser la couronne, mais celle-ci contient trop de détails,
d’angles, de courbes, de pointes, de creux et de reliefs pour pouvoir
mesurer son volume de façon précise.
Or une approximation de son volume empêchera de s’assurer qu’elle ne contient que de l’or.
Comment faire ?
Alors
qu’il entre, un jour, dans un bain, Archimède constate que le niveau de
l’eau monte subitement, et un déclic s’opère dans son esprit brillant ;
il vient tout simplement de réaliser le lien entre un corps plongé dans
l’eau et l’effet que cela opère ; il est sur le point de découvrir son
célèbre principe.
Convaincu qu’il tient là la première pièce
de la solution au problème, il sort immédiatement de la baignoire et
rentre chez lui, sans même prendre la peine de s’habiller, courant nu
dans les rues en criant « ηὕρηκα »( Eurêka).
De retour
chez lui, il commence des expériences afin de déterminer précisément,
numériquement, ce qui se produit lorsqu’un corps est plongé dans l’eau.
Il finit par trouver le lien entre le volume déplacé et la masse volumique du corps plongé.
Il
tient enfin un moyen de mesurer la masse volumique de la couronne sans
l’abîmer. Il met sa solution en œuvre : tout d’abord, il pèse la
couronne à l’aide d’une balance, puis fait fondre un lingot d’or pur
pesant la même masse. Les deux objets étant également lourds, ils sont
censés contenir la même quantité d’or et par conséquent, avoir la même
masse volumique. Il pèse alors cette fois-ci la couronne à l’aide d’une
balance, mais alors que celle-ci baigne intégralement dans une bassine
d’eau, puis fait de même avec le lingot. Il peut alors comparer leur
masse volumique et déterminer si la couronne est intégralement d’or
pur.
Ce n’est pas le cas. La couronne est bel et bien composée
d’or, certes, mais également d’un autre métal, vraisemblablement de
l’argent.
Hiéron est furieux et fait exécuter l’orfèvre, tout en étant bien sûr satisfait du travail d’Archimède.
Cette
histoire est si légendaire qu’elle n’est peut-être rien d’autre qu’une
légende ; en effet, seul Vitruve relate cette histoire, alors qu’il n’a
été contemporain ni d’Archimède ni de Hiéron II.
Les historiens
s’accordent aujourd’hui pour dire qu’Archimède n’aurait sans doute eu
aucune difficulté à résoudre ce problème, mais que l’anecdote elle-même
est vraisemblablement fausse.
Dommage, c’était une belle histoire.
Benamran, Bruce. Prenez le temps d'e-penser - Tome 1
(Poche-Vie quotidienne) (French Edition) (Emplacements du Kindle
3355-3396). Marabout. Édition du Kindle.